Quand l’histoire familiale façonne notre rapport au corps et à la nourriture.
Avez-vous déjà ressenti que votre relation au corps et à la nourriture était plus complexe qu’elle ne le semblait ? Comme si certains comportements ou ressentis échappaient à votre contrôle, malgré vos efforts. Et si ces difficultés trouvaient leurs racines bien plus loin, dans l’histoire de votre famille ?
Nos comportements alimentaires, notre rapport au corps et même nos luttes avec le poids sont souvent influencés par des transmissions invisibles, venues des générations précédentes. Ces transmissions ne se limitent pas aux recettes ou aux traditions familiales : elles incluent aussi des blessures, des traumatismes et des schémas de survie que nous portons parfois sans le savoir. À travers l’histoire de Marie, nous allons explorer comment ces mémoires transgénérationnelles influencent notre quotidien et ce qu’il est possible de faire pour s’en libérer.
Marie, une femme en quête de compréhension
Marie a 56 ans. C’est une femme curieuse, tournée vers le développement personnel et attentive à sa santé. Pourtant, depuis plusieurs années, elle se sent « en guerre » contre son corps. Malgré des efforts constants – alimentation équilibrée, activité physique régulière – son poids ne varie presque pas.
Elle subit régulièrement des compulsions alimentaires qui la plongent dans un mélange de honte et de culpabilité.
« C’est comme si mon corps avait sa propre volonté, et qu’il refusait de me suivre », confie-t-elle lors de notre première séance. Ce sentiment d’impuissance face à son corps est une expérience courante chez les femmes qui portent un héritage transgénérationnel.
Marie décrit des épisodes de « craquages » : une envie irrésistible de manger des aliments caloriques, souvent en cachette. Après ces moments, elle se sent mal, tant physiquement qu’émotionnellement, et jette rapidement les emballages pour effacer toute trace. Mais ce geste ne suffit pas à alléger le poids de sa culpabilité.
Sur les conseils de sa nutritionniste, Marie est venue me consulter et, ensemble, nous remonté le fil de son histoire, pour comprendre ce qui, dans son passé – ou celui de sa famille – pouvait expliquer cette relation conflictuelle avec son corps et la nourriture.
Un héritage transgénérationnel
Dès les premières séances, des éléments frappants ont émergé. Marie m’a décrit son enfance dans une maison où les repas étaient dépourvus de convivialité. La nourriture était vue comme un devoir, une nécessité, mais jamais comme un plaisir.
« Chez nous, on mangeait pour ne pas avoir faim. Mais on ne parlait pas à table, et il n’y avait pas de desserts. Maman disait toujours que « les douceurs, c’était pour les faibles ». »
En explorant davantage, Marie s’est souvenue de bribes de récits familiaux évoqués à voix basse. Sa grand-mère maternelle avait vécu la Seconde Guerre mondiale dans des conditions de grande précarité. Le grand-père de Marie, prisonnier dans un camp de travail, avait été libéré dans un état de maigreur extrême. Il était décédé peu après avoir recommencé à manger normalement, incapable de supporter un tel changement brutal.
La perte du grand-père maternel fut un traumatisme majeur pour sa famille. Ce mari et père, qui avait survécu aux horreurs des camps, n’a pas pu profiter de sa libération. Sa mort, survenue quelques jours à peine après la fin de sa captivité, ajouta une couche de souffrance incommensurable à une existence déjà marquée par le drame. Pour ses proches, l’idée même qu’il ait succombé après avoir échappé à l’enfer était une ironie cruelle, presque insoutenable.
Face à cette douleur immense, un silence s’est imposé. Les émotions furent enfouies, les mots étouffés, comme pour préserver la famille d’un deuil trop lourd à porter au quotidien. Mais ce silence ne signifiait pas pour autant une absence d’impact. Les repas, par exemple, n’ont plus jamais été vécus de la même manière. Pour la grand-mère de Marie, la nourriture devint un symbole ambivalent : à la fois nécessaire pour la survie et associée à la perte, au danger, à la mort. Elle en développa une forme de rejet.
Cette aversion s’est ensuite traduite dans la vie quotidienne de ses enfants, dont la mère de Marie. L’acte de nourrir devint une obligation purement fonctionnelle, dépourvue de tout plaisir ou convivialité. Les repas n’étaient plus qu’un devoir, un geste minimaliste pour répondre aux besoins physiologiques, sans la chaleur d’un moment partagé. Cette mémoire de famine, de privation et de surabondance tragique s’est inscrite, non seulement dans les habitudes, mais aussi dans l’inconscient familial.
Sans même le savoir, le corps de Marie a porté cette histoire. Elle vivait intérieurement un conflit paradoxal : d’un côté, l’injonction implicite de « se nourrir pour survivre », et de l’autre, une peur profonde et irrationnelle que « manger puisse mener à la mort ». Ces schémas inconscients, transmis à travers les générations, influençaient ses compulsions alimentaires et son rapport complexe à son propre corps.
Lorsqu’elle a pris conscience de cet héritage familial, grâce à un travail en profondeur sur son arbre généalogique et son histoire transgénérationnelle, une transformation a pu commencer. Marie a compris que cette mémoire ne lui appartenait pas directement, mais qu’elle avait été portée et transmise par loyauté familiale, comme un poids invisible. En symbolisant cette prise de conscience par un rituel de libération, elle a pu redonner à cette mémoire sa juste place dans l’histoire de sa lignée.
À partir de là, un changement profond s’est opéré. Marie a pu rétablir une relation plus apaisée avec la nourriture, en réintégrant le plaisir des repas et en apprenant à choisir des aliments adaptés à ses besoins. En se détachant de la croyance inconsciente que « la nourriture tue », elle a commencé à voir les repas comme une source de vie et de bien-être, et non plus comme une menace. Ce processus lui a permis non seulement de se réconcilier avec son corps, mais aussi de créer un lien plus serein avec les traditions familiales liées à l’alimentation, tout en les réinventant pour elle-même et pour sa famille.
Le corps, miroir des mémoires familiales
Le corps de Marie, comme celui de nombreuses personnes, agissait comme un porte-mémoire. Ses compulsions alimentaires représentaient une tentative inconsciente de répondre aux injonctions ambivalentes autour de la nourriture qui s’étaient développées à la suite de la mort tragique de son grand-père.
Son poids, quant à lui, jouait un rôle symbolique : celui d’un rempart, d’une protection face à une insécurité profonde. Cette mémoire, bien qu’invisible, influençait non seulement ses choix alimentaires, mais aussi son regard sur elle-même.
Dans nos séances, nous avons exploré cette dimension symbolique à travers des outils thérapeutiques comme le génogramme, l’hypnose et l’écriture. Ces outils permettent de donner une voix aux mémoires silencieuses, d’exprimer ce qui n’a pas été dit et de transformer les schémas hérités.
Les étapes vers la libération
Le chemin vers la libération de ces mémoires familiales n’est pas toujours simple, mais il est profondément transformateur. Pour Marie, il a commencé par une prise de conscience : celle que ses difficultés actuelles n’étaient pas seulement les siennes, mais qu’elles s’inscrivaient dans une histoire plus vaste.
Voici les étapes principales qui ont jalonné son parcours :
Identifier les schémas familiaux
Grâce au génogramme, nous avons mis en lumière les événements marquants de son histoire familiale : la guerre, les privations, les pertes et les silences.Donner une voix aux non-dits
À travers l’écriture, Marie a pu exprimer ce qu’elle ressentait face à cet héritage. Elle a écrit une lettre symbolique à ses grands-parents, leur « rendant » la mémoire de la privation qu’elle portait inconsciemment.Transformer la relation au corps
En hypnose, nous avons travaillé sur la perception que Marie avait de son corps. Elle a appris à le voir non pas comme un ennemi, mais comme un allié qui avait tenté de la protéger.Créer de nouveaux rituels
Marie a introduit des rituels positifs autour de la nourriture : prendre le temps de savourer chaque repas, choisir des aliments qu’elle aimait vraiment, et écouter les signaux de son corps sans jugement.
Comment reconnaitre un héritage transgénérationnel et pourquoi s'en libérer ?
Vous vous reconnaissez peut-être dans certains aspects de l’histoire de Marie.
Voici quelques questions qui peuvent vous aider à explorer votre propre héritage :
- Ressentez-vous un sentiment de culpabilité ou de honte lié à la nourriture ?
- Avez-vous l’impression de porter un « poids » qui ne vous appartient pas entièrement ?
- Votre famille a-t-elle traversé des périodes de guerre, de famine ou d’autres épreuves marquantes ?
- Y a-t-il des non-dits ou des tabous autour de certains sujets familiaux ? Des injonctions ou des croyances en lien avec la nourriture ?
Comprendre et transformer les mémoires transgénérationnelles n’est pas seulement bénéfique pour soi : cela permet aussi de briser les schémas pour les générations futures.
Pour Marie, ce travail a été une révélation. En posant un regard nouveau sur son passé, elle a pu se libérer d’un poids invisible et retrouver une relation plus apaisée avec son corps. Elle a aussi transmis ce nouvel équilibre à ses enfants, en leur apprenant à écouter leurs besoins et à respecter leur corps.
Vers une réconciliation avec soi-même
L’histoire de Marie montre combien il est important de reconnaître que nous ne sommes pas seuls à porter nos luttes. Derrière chaque difficulté, il y a une histoire, une mémoire, et la possibilité de s’en libérer.
Si vous ressentez le besoin d’explorer votre propre héritage, n’hésitez pas à vous tourner vers des outils thérapeutiques adaptés, et vers des thérapeutes compétents et spécifiquement formés. Les problématiques autour du poids sont très spécifiques, parfois douloureuses, et l’on a tôt fait de se tourner vers des solutions « miracles » qui ne demanderait ni investissement, ni effort.
Un accompagnement sérieux et efficace vous permettra de mettre en lumière les schémas invisibles et de créer un espace de transformation efficace et perenne.
Car s’alléger du poids du passé, c’est se donner la liberté d’habiter pleinement le présent.
J’espère que cet article vous aura plu et vous aura donné matière à réflexion.
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